Dans cette bourgade du bout du monde, entre
fleuve et jungle, j’ai connu un Français entre deux âges, il passait son temps
à boire de la cachaça dans la salle obscure d’un vieux bar à putes en regardant
les filles s’ennuyer avachies sur des chaises en métal marquées par des slogans
publicitaires d’un autre siècle. Marquées… les chaises pas les filles !
Quoique…
Quand
il n’était pas dans ce bar qui à une époque eut pour nom Pousada Roberta (on en
devinait encore l’inscription sur la façade défraîchie) il marchait lentement
jusqu’à l’église Santa Maria en sifflotant. Je me suis laissé dire qu’il
habitait chez l’unique femme riche du coin, partageant avec elle le seul
appartement moderne de la ville.
Il
était grand et mince.
Il
avait souvent une cigarette Derby accrochée aux lèvres.
Malgré
la chaleur et l’humidité constantes de jour comme de nuit de janvier à
décembre, il était toujours vêtu d’un costume noir qui d’ailleurs commençait
sérieusement à dépérir sous le soleil d’une Amérique du sud qui jamais ne cessa
durant toutes ces années de vouloir se séparer définitivement de sa sœur du
nord.
Tout
le monde le connaissait.
Les
marchands du Mercado Municipal lui offraient souvent qui une tomate qui une
mangue. Bien sûr ils savaient qu’il vivait chez l’unique femme riche du coin.
Bien sûr ils savaient qu’il était étranger. Mais c’était leur façon à eux de
participer à l’aventure humaine.
Aux Amériques.
© Diogène d’Arc 2006-2016
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